dimanche 19 février 2012

Zhuan Falun : Tourner la roue de la loi


Zhuan Falun : Tourner la roue de la loi


Nicolas Proulx


LI, Hongzhi. Zhuan Falun : Tourner la roue de la loi, 150 pages.


Les écrits de Li Hongzhi, fondateur et maître spirituel du Falun Gong, sont regroupés dans le Zhuan Falun, qui offre une explication de ce qu’est le Falun Gong, mais surtout de ce que représente son fondateur pour le mouvement religieux. À travers ses écrits, on retrouve des influences avouées du Bouddhisme et du Taoïsme (Li disant avoir eu accès à l’enseignement de prêtres dès son plus jeune âge), mais aussi de religions populaires chinoises qui dépasse l’espace du Qigong. L’ouvrage est séparé en huit sections de thèmes généraux où Li expose ses pensées concernant la pratique du Falun Gong, l’histoire du mouvement, la situation des autres religions et autres principes. Etonnamment, on remarque rapidement l’absence presque totale de principes moraux à suivre, ceux-ci marquant pourtant une partie significative de beaucoup d’ouvrages des grandes religions. Même dans des religions populaires chinoises comme le Temple (voir le billet sur The Way of the Temple of the Heavenly Immortals), on peut retrouver le genre de pratiques morales des pratiquants de la religion. Or, Li opte plutôt pour expliquer les bénéfices de sa doctrine et les actes à effectuer.

Tout au long de son ouvrage, Li explique les bienfaits et les accomplissements du Falun Gong, surtout en les comparant aux autres religions. Les promesses qui sont faîtes dans l’ouvrage sont grandes, allant jusqu’à des milliers de pouvoirs surnaturels. On peut peut-être comprendre par cela l’attrait que le mouvement peut avoir dans la population en général, au-delà des autres religions dont les promesses sont souvent dans l’après-vie. Néanmoins, ces promesses dépendent précisément de suivre plus que le mouvement en lui-même : il s’agit de suivre Li Hongzhi. Très tôt dans l’ouvrage on peut repérer que l’auteur bâtit un culte autour de sa personne, et non de sa doctrine. Il oblige les croyants à la doctrine à dépendre entièrement de lui. Dans la mesure où plusieurs mouvements religieux chinois ont eux aussi un « maître » à la tête du mouvement, cela peut sembler compréhensible. Même en dehors du Qigong, des mouvements comme le Temple sont axés autour du fondateur du culte. Li affirme être le seul à avoir une véritable compréhension de la Loi de Bouddha, mais aussi du Qigong en général.
On en vient aussi à identifier les nombreux liens avec le Bouddhisme et le Taoïsme. À l’instar du Temple, qui accuse fréquemment dans ses textes le Bouddhisme et voit d’un œil favorable le Taoïsme, Li utilise ces religions comme base de son mouvement. Il affirme que les doctrines bouddhistes et taoïstes ont une base véritable, mais sont mal utilisées par les pratiquants et les temples, les rendant insignifiantes. Néanmoins, on remarque un œil beaucoup plus favorable envers le Taoïsme, mais la présence de beaucoup plus d’éléments bouddhistes. Par exemple, le Karma fait part essentielle de la compréhension universelle du Falun Gong, mais son utilisation est différente de celle qu’on rencontre généralement dans le Bouddhisme. Il utilise ses doctrines, à l’instar de beaucoup d’autres religions, pour expliquer l’univers et l’histoire du monde à partir de ses croyances.
Les liens avec les autres religions populaires chinoises sont aussi très nombreux. Par exemple, Li traite couramment du traitement des maladies, ce que plusieurs religions, tel le Temple, mettent au centre de leurs croyances. Li affirme que le Falun Gong ne guérit par les maladies, contrairement aux mouvements religieux populaires, mais il promet bien plus en terme d’acquisition de pouvoirs. Il va néanmoins plus loin que de seulement renier les guérisons : il ridiculise régulièrement les mouvements qui affirment pouvoir guérir. De cette façon, peut-on penser, il arrive à convaincre les gens qui ont été déçu par les promesses des autres religions de se joindre à son mouvement. À partir de l’échec des autres, il se justifie. On retrouve aussi le même genre de vision apocalyptique que l’on pouvait lire dans les textes du Temple : la véritable fin du monde est vague, mais seule la pratique du Falun Gong peut permettre d’atteindre un monde « plus élevé ». Li écrit sur la fin éminente d’un kalpa (période de temps extrêmement longue, apparemment tirée du Bouddhisme) et sur les « Grands Éveillés » qui choisiront les membres du Falun Gong pour accéder à un nouveau monde. Li affirme que plusieurs sociétés terrestres de la préhistoire se sont éteintes jusqu’à maintenant et que la notre doit nécessairement y arriver bientôt. 
Dans les textes du Temple, on pouvait retrouver ce genre de tentative de lier l’historique du Temple, extrêmement récent, au long passé chinois pour pouvoir justifier le mouvement. On retrouve le même objectif dans le Falun Gong. Li utilise des faits scientifiques, dont il ne cite jamais la provenance, pour expliquer l’histoire du Falun Gong, qui provient de sociétés préhistoriques aussi avancées que la notre. Il utilise ce révisionnisme historique et un ensemble de faits médicaux et scientifiques, dont la source n’est encore une fois jamais citée, pour expliquer les croyances et les objectifs du Falun Gong. Tel le Temple, encore une fois, il utilise aussi plusieurs anecdotes de ses croyants pour expliquer les attraits du mouvement. Néanmoins, contrairement aux textes des grandes religions et à d’autres religions populaires, les enseignements du mouvement sont mit à l’avant de tout par Li. Pour reprendre les textes du Temple, les principes moraux suggèrent la liaison entre la vie spirituelle et la vie matérielle. Ainsi, les principes moraux arrivent à encourager les gestes des pratiquants et la croyance envers la religion ne passe pas au-dessus des contacts humains. Or, dans le Falun Gong, tout le contraire est amener. Non seulement Li prône de mettre l’importance primordiale sur le culte, mais il met l’accent sur sa propre personne. Il s’agit définitivement d’un culte de la personnalité, pas seulement de culte d’une tradition religieuse.
La lecture de l’ouvrage est définitivement nécessaire à la compréhension du mouvement du Falun Gong. Il ne s’agit pas nécessairement de s’intéresser à ce que le mouvement représente et à ce que Li Hongzhi encourage comme pratiques, mais plutôt à la façon dont il explique la religion et qu’il tente d’y attirer des disciples. L’absence d’importance mise sur des principes moraux est probablement ce qui frappera le plus le lecteur plus habitué aux textes de religions plus familières. Bref, si le Qigong peut représenter une tradition intéressante en Chine, le Falun Gong semble définitivement mettre l’accent sur son fondateur, et non sur le mouvement.

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